Introduction du Père Bernard Housset à l'assemblée synodale du doyenné de Jonzac, le 21 mai 2022

 

EVANGELISER

Evangéliser, c'est proposer le Christ, dans le respect de la liberté de conscience de chacun, pour qu'il soit mieux connu et que les humains répondent davantage à son amour, à commencer par les évangélisateurs eux-mêmes.

 

  1. Pourquoi évangéliser ?

« Nous avons reconnu l'amour que Dieu a pour nous et nous y avons cru. Dieu est amour : qui demeure dans l'amour demeure en Dieu et Dieu demeure en lui » (I Jean 4, 16).

Les chrétiens font l'expérience que Dieu aime, estime tous les humains sans exception et ils y croient. L'Evangile de Jésus, sa vie, sa mort et sa résurrection sont en effet la Révélation que l'amour est le fond des choses, du réel visible et invisible. Cette expérience des chrétiens, ils désirent la proposer, non pas par prosélytisme ni sectarisme mais parce que tout amour spontanément se communique, se diffuse, au lieu de se replier sur lui-même. L'évangélisation s'appuie sur une telle expérience et non pas par obligation ou par intérêt. Elle est gratuite et désintéressée. On évangélise parce que l'on est persuadé qu'il n'y a pas mieux que le Christ pour que chaque être humain trouve son bonheur avec la plénitude de sa personnalité et pour que la famille humaine soit rassemblée dans une vraie fraternité. Il n'y pas mieux que le Christ pour progresser sur les chemins de l'humanisation et devenir pleinement humains comme le Christ.

On ne peut pas dire que l'Evangile soit attendu, puisqu'il est ignoré de beaucoup mais les chrétiens ont la conviction qu'il répond aux attentes humaines les plus fondamentales. Chacun désire au plus profond de lui-même aimer et être aimé. Pourquoi ? Parce qu'il est créé par un « Dieu qui est amour » et qu'il est appelé à participer à cet amour éternellement. On ne se trompe pas par rapport à l'Evangile lorsqu'on essaie d'aimer en vérité, c'est-à-dire de se donner aux autres pour contribuer à leur bonheur et de les accueillir, car personne n'est trop pauvre pour n'avoir rien à partager. L'amour authentique se vit toujours dans la réciprocité. Comme il est toujours gratuit et désintéressé.

Depuis 2000 ans, l'évangélisation a été vécue de diverses manières, car les sociétés et les civilisations évoluent .Dans la société française actuelle, l'Eglise est devenue minoritaire. La déchristianisation est ancienne ; pour certains elle remonte aux guerres civiles et religieuses du XVIème siècle, puis s'est développée à partir de la Révolution française. Il ne faut pas la confondre avec la sécularisation qui est récente, celle-ci consistant en ce que les institutions civiles ne se référent plus à la foi chrétienne. Par ex. les grandes fêtes chrétiennes de Noël, de Pâques et de Toussaint ne sont présentées que superficiellement par les medias et non pas dans leur sens profond. Mais si l'Eglise est minoritaire, elle est toujours appelée par le Seigneur à être levain dans la pâte (Mt 13, 33). Si des réalités ecclésiales diminuent (cf Guillaume Cuchet, le 14 janvier), d'autres sont en augmentation ou en progression : nombre de diacres, des catholiques engagés dans les organismes confessionnels ou non de solidarité-diaconie, des groupes de formation bibliques ou au contenu de la foi, des laïcs animant l'Eglise avec compétence. Sans oublier que l'Esprit Saint agit au cœur de tout être humain et de toutes les sociétés, à travers les autres religions et ceux qui n'en ont aucune (ex. de l'abolition de la peine de mort).

 

  1. Comment évangéliser ?

En vivant plusieurs attitudes évangéliques. J'en choisis 5 qui nous permettent de témoigner de cet Amour fondamental :

  • La rencontre : le pape François répète souvent qu'il faut aller vers les gens, sans rester entre chrétiens : « soyons une Eglise en sortie, qui va vers ».Ce n'est pas facile. C'est en effet notre constatation par rapport aux enfants et aux jeunes. Comment les rencontrer ? Comment motiver leurs parents  pour l'éducation spirituelle des nouvelles générations ? C'est un grand défi, sans doute le plus important et le plus urgent.

  • Le dialogue : savoir écouter, être en position attentive, sans être en surplomb. L'Eglise reçoit de la société des éléments pour sa vie et sa mission, puisque l'Esprit Saint y est présent et agissant. Voyez le Christ qui a reconnu la foi de non-juifs : le centurion romain, la cananéenne etc.

  • La joie : dans son discours après la Cène, le Christ y insiste beaucoup. Sommes-nous heureux d'être chrétiens et sommes-nous des chrétiens heureux ? Savons-nous le montrer ?

  • La patience : il faut beaucoup de temps pour que l'évangélisation porte des fruits. Cf les paraboles de Jésus sur la semence, sur le grain de moutarde Mt 13). Ne nous décourageons pas devant les lenteurs et les difficultés, les échecs et les reçus, y compris les nôtres.

  • Le service accompli avec respect et désintéressement. Voyez l'impact de Mère Teresa, même si, au début de son accompagnement des personnes mourantes, elle n'a pas été comprise. Voyez le père Charles de Foucauld qui va être déclaré saint ce dimanche : il s'est mis réellement au service des Touareg, en s'appelant « frère universel ». Mais, de son vivant, aucun musulman ne s'est converti au Christ. L'amour, sur le moment, peut paraître inefficace !



 

En accomplissant les trois grandes fonctions de la première communauté chrétienne (cf  Actes 2, 42-47) qui structurent la mission des chrétiens pour l'évangélisation !

  • Annoncer le Christ : faire connaître sa vie et son message tels qu'ils ont été vécus depuis 2000 ans (il s'agit bien d'une vie, car la foi ne s'enferme pas dans un coffre-fort, même si elle est une réalité précieuse). C'est l'éveil de la foi et le catéchisme pour les enfants, les aumôneries pour les ados et les jeunes, avec les divers mouvements. Ce sont pour les adultes, les multiples groupes de formation biblique (pour la Parole de Dieu), théologiques et spirituels (pour le contenu de la foi). Ce sont les homélies du dimanche. Ce sont les journaux paroissiaux, les sites internet et toutes les initiatives de la communication. Le concile Vatican II insiste beaucoup sur cette annonce du Christ, spécialement par la méditation et l'approfondissement de la Parole de Dieu. Car c'est celle-ci qui permet de célébrer le Christ en vérité et de servir réellement la société au nom du Christ.

  • Célébrer le Christ dans l'Eucharistie et les autres sacrements. L'Eucharistie, en effet, est le sacrement central « source et sommet de l'évangélisation » (formule du concile). Nous rendons grâce au Père par son Fils dans l'Esprit pour le don de la vie actuelle (avec le pardon des péchés) et de la vie éternelle, la première préparant la seconde. Ou pour dire les choses autrement : pour le salut qui est au cœur de l'Evangile, c'est-à-dire le fait que chacun soit estimé actuellement par Dieu (quel que soit son parcours) et que toute l'humanité soit appelée à partager la vie et l'amour de la Trinité  en vivant une authentique fraternité. Je n'oublie pas les groupes de prière et les obsèques qui constituent, à l'heure actuelle, un temps fort pour l'évangélisation.

  • Servir la société au nom du Christ, spécialement les personnes en situation de précarité, de pauvreté matérielle, sans oublier les pauvretés spirituelles. Il y a tellement de manières de rendre service, depuis les visites aux personnes malades et isolées jusqu'au soutien des projets de « développement humain intégral » (Paul VI) mis au point non pas en France mais dans et par les pays pauvres d'Asie, d'Afrique et d'Amérique du Sud. Ce sont, entre autres, les aumôneries d'hôpitaux et de cliniques, l'enseignement catholique, la recherche d'une écologie intégrale (cf. l'encyclique Laudato Si du pape François, encore trop peu connue), les multiples initiatives prises pour faire progresser la solidarité nationale et internationale.

 

  1. Qui évangélise ?

C'est toute l'Eglise, c'est-à-dire l'ensemble des baptisés membres de toutes les Eglises chrétiennes (importance de l'œcuménisme)... Plus précisément tous les baptisés qui prennent leur baptême au sérieux et essaient d'en vivre. L'Eglise, depuis toujours, est le peuple de Dieu, le Corps du Christ, le Temple de l'Esprit. Mais ses figures historiques ont varié au cours des siècles. Le Concile Vatican II a remis en valeur l'égale dignité, dans la diversité de leurs fonctions et de leurs ministères, des chrétiens laïcs, des chrétiens consacrés, des chrétiens ordonnés.

  • Les chrétiens laïcs sont évangélisateurs à part entière. Les laïcs ne remplacent pas les prêtres, ils reprennent leur place dans l'Eglise.

Un exemple significatif de ce changement est celui des équipes pastorales qui commencent de trouver leur vitesse de croisière. Ainsi peut se vivre (avec d'autres éléments) la synodalité voulue par le pape François. Ne pas oublier que la première tâche des chrétiens laïcs est d'être semeurs d'Evangile dans toutes les composantes de la société.

  • Parmi les laïcs, les chrétiens consacrés participent à l'évangélisation par leurs trois vœux de chasteté, de pauvreté et d'obéissance ainsi que par leur vie communautaire.

  • Les chrétiens ordonnés sont ceux qui ont reçu le sacrement de l'ordre : diacres, prêtres et évêques. Les diacres rappellent à l'Eglise qu'elle ne doit jamais oublier qu'elle est servante du Christ pour le salut du monde. Les évêques sont, dans leur collégialité unie à l'évêque de Rome et avec tous leurs collaborateurs, chargés de former le Peuple de Dieu au contenu de la foi évangélique approfondi à la lumière de la Tradition (2000 ans, ce n'est pas rien!), d'assurer la sanctification des chrétiens et d'animer leur gouvernance, en favorisant leur communion, à travers leurs diversités.

Les prêtres continuent d'être irremplaçables (comme les autres membres de l'Eglise). Leur rôle dans l'évangélisation est triple (comme les évêques). Ils sont d'abord au service de la Parole de Dieu : « les prêtres, comme coopérateurs des évêques, ont pour première fonction d'annoncer l'Evangile de Dieu à tous les hommes » assure le concile (n° 4 du décret sur le ministère et la vie des prêtres). Ils sont au service de l'Eucharistie, des autres sacrements et de toutes les célébrations. Ils sont enfin au service de la croissance du Peuple de Dieu, en développant la communion.

« La communion est pour la mission et la mission est pour la communion » (Saint Jean-Paul II).


Soyons des entraîneurs d'espérance et de persévérance dans notre évangélisation, à travers toutes nos difficultés. N'oublions pas l'aboutissement de l'Evangile : « Dieu, dans le Christ, est devenu homme pour que tous les humains partagent la vie et l'amour de Dieu » (Saint Irénée).

Père Bernard HOUSSET